Il n’y a pas de solution unique pour réduire notre empreinte environnementale

Par Chakib Kara, Directeur général de Tetra Pak France et Benelux & Président de l’Alliance Carton Nature.

Les emballages constituent un levier essentiel de la réduction de notre empreinte carbone, en particulier dans l’industrie agro-alimentaire. L’ensemble des acteurs concernés ont déployé des efforts inédits pour proposer des solutions innovantes et plus durables afin de répondre aux impératifs écologiques. Il est positif de voir que les discussions se poursuivent pour accélérer la mutation de l’industrie et définir des objectifs collectifs ambitieux. Pour autant, la sécurité alimentaire doit rester une priorité. Il ne faut pas que le « quoi qu’il en coûte » en matière de lutte contre les emballages contrevienne aux ambitions de réduction de l’empreinte carbone et de lutte contre le gaspillage alimentaire. Dans cette dynamique, les briques alimentaires ont encore un rôle à jouer.

Confronter la réalité aux ambitions

Le projet de règlement européen concernant les emballages et déchets d’emballage (Packaging and Packaging Waste Regulation, ou PPWR, règlement qui vise à réguler l'emballage au niveau européen) trace une voie claire : réduire les déchets d'emballage et rendre tous les emballages recyclables ou réutilisables d'ici 2030. 

Les acteurs de la filière de la brique alimentaire soutiennent cette ambition mais certaines dispositions sont susceptibles de mettre en péril des secteurs clés de l’industrie agroalimentaire. Par exemple, l'imposition d'objectifs de réemploi contraignants pour les produits alimentaires liquides périssables pourrait engendrer des conséquences inattendues : une augmentation des risques en matière de sécurité alimentaire pour les consommateurs, une réduction de l'accessibilité pour les populations vivant dans des régions éloignées, ainsi qu'une potentielle amplification du gaspillage alimentaire et des déchets. Parce que les solutions réemployables n'offrent pas toujours un meilleur résultat environnemental et ne sont pas en mesure de garantir une longue conservation des produits dans les conditions sanitaires nécessaires, nous devons considérer la brique alimentaire comme la solution utile et efficace. La brique alimentaire a des capacités propres qui permettent de prolonger la durée de vie des produits liquides jusqu'à 12 mois sans chaîne du froid ni additifs. 

Par conséquent, il est nécessaire que les denrées périssables liquides bénéficient de solutions adaptées qui répondent à leurs besoins et qu’elles soient exemptées des objectifs de réemploi dans le cadre des discussions en cours au niveau européen. D’autant que selon une étude de l’université de Lund en Suède, environ un tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillée le long de la chaîne alimentaire : un dysfonctionnement majeur qui se traduit aussi par une aberration environnementale et qui va à l'encontre des ambitions affichées dans le Green Deal et à la directive européenne.

La circularité des matériaux est la priorité, la création de valeur l’est aussi

En investissant plus de 200 millions d'euros en Europe, la filière des briques alimentaires qui représente environ 2% de l'ensemble du secteur de l'alimentation et des boissons dans l'UE s’engage activement à accélérer le recyclage et la recyclabilité de ses emballages tout en soutenant l’innovation. Cette démarche a permis d’ouvrir la voie à de nouveaux marchés, notamment pour la fibre papier composant à 75% de la brique et pour le poly-aluminium.  

Aussi, le cadre réglementaire doit être attentif à ce qui a déjà été fait et qui a fait ses preuves. Il est crucial de valoriser la recyclabilité des matériaux qui peuvent à être réutilisés. Imposer un processus de recyclage appelé en ‘boucle fermée’, qui reprend le produit initial pour fabriquer le même produit, est une solution limitée qui n’est pas adaptée à tous les matériaux en raison des enjeux de sécurité alimentaire. Se restreindre à un seul type de recyclage serait ainsi un coup d’arrêt aux débouchés existants qui génèrent de la valeur. En effet, nos briques alimentaires connaissent une seconde vie :  les fibres de papier sont transformées en rouleaux de papier avant de devenir des mouchoirs, des serviettes ou encore des boîtes en carton ; les granulés issus du poly-alu sont recyclés en palettes, caisses et mobilier créatif.

Par ailleurs, les restrictions imposées à l'industrie de la brique alimentaire mettraient également en péril l'ensemble de la chaîne de valeur, puisque 154 milliards de litres de denrées alimentaires hautement périssables sont consommés chaque année en Europe et 75% du lait et 59% des jus de fruits commercialisés dans l'UE sont conditionnés en briques. 

Enfin, la contribution économique de Tetra Pak à l’industrie européenne de l’alimentation et des boissons est estimée à près de 20 milliards d’euros par an. En outre, nos activités soutiennent les économies locales en créant indirectement près de 31 000 emplois avec près de 3,6 milliards d'euros de valeur économique en Europe, notamment en France, en Allemagne ou encore en Espagne.

Il est essentiel que les décideurs politiques européens continuent de travailler en étroite collaboration avec l'industrie. Définir des leviers uniformes revient à nier la réalité : nous avons encore besoin de solutions d’emballage multiples pour contribuer ensemble à réduire l’impact de l’industrie agro-alimentaire. En l’état, le texte européen met en péril la filière de la brique alimentaire et toutes les entreprises qui y ont recours sur la chaine de valeur, en particulier les producteurs de lait et de ses alternatives végétales et de jus. Les conséquences environnementales, économiques et sociales pourraient être critiques alors que nous avons besoin plus que jamais de déployer nos atouts au service de la transition écologique et de la souveraineté alimentaire.